Délit de faciès.
En finir avec Eddy Bellegueule – Edouard Louis
Eddy Bellegueule, petit garçon différent. Différent parce qu’il a des manières quand, il parle, rit, marche. Il y a quelque chose de féminin qui émane de lui quoiqu’il fasse et cela n’est pas tolérable dans ce petit village de la France profonde où il faut boire, se battre au poing, casser du pédé et du bougnouile et cracher sur les bourgeois pour être un homme.
Avant d’entamer En finir avec Eddy Bellegueule - premier roman d’Edouard Louis âgé de seulement 22 ans ce qui est difficile à croire vu la maturité de son écriture – je savais que qu’il s’agissait d’une œuvre en grande partie autobiographique. Et je le regrette. Je suis un petit slip moi les gars et je vous assure qu’il était très difficile pour moi de lire ce récit sans me dire ‘oh non c’est horrible il faut le sortir de là’. J’étais à la fois tenter de refermer ce roman ne voulant en savoir d’avantage sans pour autant être capable d’interrompre ma lecture.
Et pourtant ici pas de misérabilisme, ni de pathos. Juste le témoignage d’un jeune garçon qui des années plus tard cherche à comprendre les causes de toute cette violence, cette peur, cette haine de l’autre et de l’inconnu.
C’est admirablement bien écrit, avec une simplicité je dirais même une impartialité qui donne toute sa force au roman. Une (regrettable) intemporalité des propos nous donne à croire que ce village, où la misère sociale (et tout ce qu’elle engendre) règne en maître, appartient au passé. Il n’en est rien. C’était il y a à peine 10 ans et j’imagine qu’il en existe encore beaucoup de semblables aujourd’hui (les dernières pages du roman nous montrerons d’ailleurs qu’ils n’y a pas que ‘ces illettrés de bouseux’ qui rejettent ceux qui ne leur ressemblent pas).
En finir avec Eddy Bellegueule est de loin le roman qui m’a le plus touché depuis plusieurs années, dur certes, mais nécessaire me semble t-il.
‘De mon enfance je n’ai aucun souvenir heureux. Je ne veux pas dire que jamais, durant ces années, je n’ai éprouvé de sentiment de bonheur ou de joie. Simplement la souffrance est totalitaire : tout ce qui n’entre pas dans son système, elle le fait disparaître’
En finir avec Eddy Bellegueule – Edouard Louis - 219 pages – Editions du Seuil